La relation client est née avec le commerce. Après tout, comment vendre des produits sans connaître sur le bout des doigts celui qui l’achète ? Néanmoins, c’est avec la mondialisation, l’explosion de la taille des entreprises et l’informatisation que les entreprises ont pu ériger la Gestion de la Relation Client ou CRM (Customer Relationship Management) au rang de merveille du marketing. 2000 ans d’histoire(s) entre les clients et leurs commerçants !
Glossaire du CRM
44 définitions pour briller à l’ère du digital
L’avènement du client-roi est résolument contemporain. En des temps plus antiques, quand Rome éclairait le monde, le client était tout le contraire. Ce mot désignait le protégé de son seigneur et maître, le patronus. Une protection coûteuse qui débouchait sur un rapport de domination sans mélange. D’où l’expression « clientélisme ». Comme l’écrivait le philosophe Alain Etchogoyen dans son ouvrage Le pouvoir des mots, « le concept de client enveloppait une notion de fidélité qui renvoyait directement au plébéien placé sous la protection d’un patricien appelé patron. Ainsi, les médecins se revendaient-ils leur clientèle, convaincus d’une infidélité sans faille. Le client était sous dépendance, fidèle c’est-à-dire habitué. Le “bon client”. Puis, sous la pression de l’économie, le client a changé de statut. »
1750 : première révolution de la consommation
Au fil des siècles, le client continue de rémunérer un service ou une prestation auprès d’un commerçant, mais de façon consentie et fructueuse. Cette relation va profondément se transformer avec les évolutions économiques de la fin de l’époque moderne. Dans « Histoire de la consommation », Marie-Emmanuelle Chesser explique : « les historiens s’accordent globalement sur une rupture majeure survenue en Europe vers 1750. L’augmentation globale du pouvoir d’achat des ménages populaires, la plus grande diffusion de produits de luxe et demi-luxe, le développement des enseignes dans les villes et des annonces dans la presse, la circulation mondiale de certaines marchandises sont autant d’indices de ce qui a été considéré un temps comme une révolution de la consommation ».
XIXe siècle : le client commence enfin à avoir raison
Au XIXe siècle, la révolution industrielle accélère le phénomène avec des produits de plus en plus standardisés et financièrement accessibles. Les modes de consommation évoluent avec l’apparition des premiers grands magasins : Le Bon Marché à Paris, Harrods à Londres, Marshall Field’s à Chicago. Le créateur de cette dernière enseigne est d’ailleurs resté célèbre pour avoir inventé le slogan : The customer is always right (« Le client a toujours raison »). Si l’expérience client est au cœur des préoccupation de ces entreprises – le magasin londonien Selfridges propose ainsi une bibliothèque, des toilettes, un restaurant, des salles de réception, un service de livraison à domicile – la relation client au sens où nous l’entendons aujourd’hui n’est pas encore une obsession. À cette époque, plus encore que de connaître leurs clients, les entreprises ont besoin de se faire connaître. La publicité rafle la mise avec des initiatives toujours plus originales, qui se poursuivent tout au long au XXe siècle. Un exemple parmi d’autres : la naissance en 1900 du célèbre guide rouge de Michelin. Ce prototype du brand content distingue les meilleures tables de France. Distribué avec les pneumatiques du même nom, il prépare le terrain à la future fonction de relation client.
Trente Glorieuses : le « serial consommateur »
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les Trente Glorieuses (1946-1975) voient l’apparition de la « société de consommation » sous les effets cumulés d’une croissance forte, du plein emploi et d’une modernisation de la société. Marie-Emmanuelle Chessel définit cette nouvelle société comme « la production, la diffusion, l’achat et l’usage d’un nombre croissant de biens par une proportion croissante d’hommes et de femmes prenant progressivement l’identité de « consommateurs ». Les entreprises sont confrontées à un défi : s’adresser à des clients devenus très nombreux. C’est la naissance du marketing. Pour Pierre Volle, professeur de marketing à l’université Paris-Dauphine, « la conceptualisation – avec la spécialisation de professeurs, de consultants et de gourous, notamment en Europe – commence dans les années cinquante (l’Association nationale du marketing – l’Adetem, par exemple, a été créée en 1954) ». Le Rolodex s’impose comme l’instrument phare des bases clients. Au cours des années 1970, le marketing relationnel supplante progressivement le marketing transactionnel. Le premier cherche à pérenniser la relation client et à différencier durablement le produit dans un environnement concurrentiel de plus en plus agressif, tandis que le second soutenait la vente dans une approche plus court-termiste. Apparaissent alors les notions de prospects, de fidélisation et une vision à plus long terme du lien qui unit l’entreprise à sa clientèle. Il faut attendre les années 1980 pour que les premiers micro-ordinateurs rendent possible l’émergence d’une véritable fonction CRM au sein des organisations. L’utilisation des PC commence à se diffuser et les premières bases de données informatisées facilitent la mise en place d’un suivi à grande échelle. On construit les premières solutions dédiées : les Contact Management Software. Systèmes informatiques rudimentaires d’archivage et de suivi des données clients, ils sont essentiellement utilisés par les commerciaux dans leur travail de démarchage et de vente. Telemagic ou Act! en sont les principaux acteurs. S’il reste archaïque, on peut dire que le CRM, en tant que fonction séparée de l’entreprise, est né.
1995 : naissance officielle du CRM
Si tout le monde s’accorde à dire que l’acronyme CRM voit le jour en 1995, sa paternité n’est pas aussi limpide, certains l’attribuant à l’entreprise Gartner, d’autres à Tom Siebel, fondateur et PDG de l’éditeur du même nom. Ancien d’Oracle, ce dernier créé le logiciel phare des années 1990. Sa solution d’automatisation des forces de vente (SFA pour Sales Force Automation) optimise les tâches routinières des commerciaux et rencontre un succès mondial. Grâce à l’accroissement spectaculaire des capacités de stockage et de traitement des données, les outils CRM s’imposent. D’un côté, les CSS (Customer Service and Support) permettent aux call centers, qui commencent à se généraliser, de s’appuyer sur des bases de données qu’un humain ne pourrait pas gérer. D’un autre côté, les SFA (Sales Force Automation) permettent de conserver et suivre les données de prospects à des fins de telemarketing. Dans les départements commerciaux, on parle pour la première fois de lead pour désigner cette masse de clients potentiels qu’on peut désormais contacter rapidement et efficacement. Le temps semble loin où publipostage sauvage et porte-à-porte aléatoire tenaient le haut du pavé. Malgré tout, un problème subsiste : l’intégration. Les données collectées restent cloisonnées dans des outils séparés et ne sont pas accessibles aux autres départements. L’architecture client-serveur, introduite vers la fin des années 1990, permet théoriquement de lever cette difficulté. Entre 1996 et 1998, la montée en puissance des ERP s’appuie sur cette promesse de partage des données dans un outil central interne à l’entreprise. C’est l’ère des systèmes d’information.
Années 2000 : la montée en puissance du web
Là encore, l’évolution technologique va tout chambouler. Avec la démocratisation du web, l’e-CRM redonne un coup de jeune à la relation client. Entre 2000 et 2015, la part de la population française connectée au web passe de 15 % à près de 85 %. Les points de contact avec les clients se multiplient. Ils permettent aux entreprises de cerner les habitudes nouvelles des consommateurs et d’adapter en conséquence leur stratégie marketing. Les nouveaux CRM développement des ensembles back-end et front-end cohérents. Ce CRM 2.0 est à la source des indicateurs de performance du e-commerce. Panier moyen, taux de conversion et taux d’activation permettent d’accroître l’efficacité des actions marketing. Cette montée en puissance du web est le préalable à une évolution majeure du CRM. En 1999, Marc Benioff, ancien d’Oracle dont il fut nommé vice-président à l’âge de 26 ans, fonde Salesforce, une plateforme entièrement disponible en ligne, autrement dit le premier service de logiciel à la demande (SaaS pour Software as a Service) dédié au CRM. Pour Marc Benioff, cité dans Les Échos, les services en ligne sont l’avenir : « J’achetais des livres sur Amazon et je songeais : pourquoi est-ce que toutes les applications ne peuvent pas être aussi simples d’utilisation, y compris les applications d’entreprises ? Notre modèle est semblable à celui d’un Yahoo! ou d’un eBay : l’utilisateur est isolé de la complexité de l’application et tout le monde partage les ressources d’un même ordinateur central ». Un pari osé à une époque où les solutions hébergées sur place (on premise) dominent le marché. Le cloud était né.
Années 2010 : l’ère du client (ultra-connecté)
Grâce au mobile, les entreprises peuvent communiquer en temps réel avec leurs clients. De la conversation privée, on passe à la conversation publique. Une tendance qui s’accentue avec la montée en puissance de l’internet mobile. En 2016, le mobile dépasse pour la première fois l’ordinateur et atteint 52 % du trafic mondial. Cette grande migration des PC vers les mobiles gagne aussi les commerciaux qui peuvent piloter depuis leur smartphone toutes les données dont ils ont besoin pour mieux interagir avec leurs prospects. Quant aux clients, leurs attentes évoluent. Ils exigent notamment un contact en temps réel avec les marques, une expérience client privilégiée et des produits et services personnalisés. Incontestablement, le numérique révolutionne la relation client. Parallèlement à cette démocratisation du mobile, l’explosion de l’e-commerce (le chiffre d’affaires mondial de l’e-commerce BtoC s’est élevé à 1 915 milliards de dollars en 2016, en hausse de 24 % par rapport à 2015, d’après eMarketer) change le statut du CRM. De descriptif il devient prescriptif, et se conçoit désormais comme générateur de revenus. Ses outils ne se cantonnent plus au SFA mais gagnent tous les métiers de l’entreprise, du service client au marketing. Le CRM devient la pierre angulaire de toutes les pratiques marketing modernes : mailing, SMS, retargeting, discussions instantanées, etc. Il s’affirme comme un élément moteur de la stratégie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : derrière les leaders que sont Salesforce, SAP ou Oracle, une horde de 250 000 acteurs envahissent le marché du CRM. L’usage continue de se démocratiser auprès des petites entreprises grâce, notamment, au cloud, qui facilite son déploiement et diminuent son coût d’adoption. Selon le Gartner, les dépenses des entreprises en application pourraient s’envoler pour passer de 139 milliards de dollars en 2015 à 186 milliards en 2019. Les investissements dans le CRM devaient même dépasser celles dans les ERP en 2017. Dans les années 2010, l’explosion des réseaux sociaux rebat à nouveau les cartes. En quelques années Facebook, YouTube et Instagram ont conquis le monde avec, respectivement, 2,1 milliards, 1,5 milliard et 800 millions d’utilisateurs actifs. Ce qui pousse les marques à réinventer leurs discours auprès des clients pour être au plus près de leurs attentes. Le meilleur intermédiaire pour s’adresser à eux ? Assurément le mobile. Celui-ci devient un canal de choix : selon le Baromètre du numérique 2017, 73 % des Français possèdent un smartphone contre 17 % en 2011. Mieux : lors de cette enquête, près de 2 Français sur 3 ont affirmé avoir effectué un achat sur internet au cours des 12 derniers mois. Ce CRM connecté se doit d’être toujours plus réactif aux attentes clients, voire de les précéder. Aux yeux, s’ajoutent désormais des oreilles pour écouter et une bouche pour parler.
Futur immédiat : l’intelligence artificielle au service des clients (et des commerciaux !)
CRM, objets connectés, réseaux sociaux… Avec le big data, le terrain de jeu des entreprises s’agrandit. Omniprésentes, les données améliorent et affinent la connaissance client. Il devient possible d’appréhender comportements, habitudes et préférences, objectifs… « Le vendeur peut maintenant s’approprier la problématique d’un client pour lui proposer plus qu’un produit ou un service. Il peut devenir un partenaire, qui participe à la construction d’une solution », résume Peter Coffee, vice-président pour la recherche stratégique chez Salesforce En extrayant toute la richesse de la data, mes algorithmes facilitent la communication entre le client et les marques. Chez Salesforce, c’est le module Einstein qui permet aux métiers de gérer des données disparates, d’anticiper les besoins, et surtout de personnaliser l’expérience client. Une attente de plus en plus forte de la part de consommateurs matures, exigeants, et pressés . Et pour les commerciaux, c’est la possibilité de se recentrer sur les missions à plus forte valeur ajoutée en déléguant les opérations routinières à leur CRM, devenu un fidèle assistant au quotidien. Évidemment, de nombreux défis restent à relever, notamment dans le domaine de l’omnicanal, qui réinvente le service client et s’affirme comme un business model d’avenir. Le CRM doit être capable d’assurer le suivi des clients, du web jusqu’à la boutique (et vice versa). Des aventures inédites comme le crowdsourcing, qui intègrent les clients dans la mise en place de produits ou services nouveaux, annoncent elles aussi le futur de la relation client. À force de tourner autour du consommateur, le CRM a donc fini par le replacer au cœur de l’entreprise et de ses décisions. Au point d’en faire un partenaire à part entière, en conversation permanente avec l’entreprise.
Pour aller plus loin, consultez notre guide complet du CRM.
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